Historique du 264ème Régiment d'Infanterie
Origine et composition.
Le 264e régiment d'infanterie a été formé à Ancenis les 3 et 4 août 1914,
sous le commandement du lieutenant-colonel GAUDINAU. Ses bataillons, au
nombre de deux, portent les nos 5 et 6 et sont respectivement commandés par
le chef de bataillon VERET et le capitaine MOULIN. Il compose d'abord avec
le 265e R. I. la 121e brigade de la 61e division. Ainsi constitué, le
régiment ne comprenait presque exclusivement que des officiers et soldats
originaires de la Bretagne et de la Vendée. Il n'y a là que de rudes gars
d'une endurance à toute épreuve. Soutenus par une volonté tenace, animés du
plus pur patriotisme, Bretons et Vendéens ne cesseront pas d'être partout
les vaillants et courageux soldats. Le 264e R. I. peut être fier de ces
éléments. D'Arras à la Lorraine, en passant par les glorieux hamps de
bataille de la Somme, de l'Oise, de l'Aisne et de Champagne, nous le verrons
toujours brillamment se mesurer aux impériales troupes germaniques. Partout,
il combattra avec la même ardeur, le même esprit de sacrifice. Les
nombreuses félicitations ou citations dont il a été l'objet sont le plus
éloquent témoignage de sa valeureuse conduite dans la longue et sanglante
lutte qui nous a conduit à la victoire.
Départ en campagne.
Deux jours ont suffi pour mener à bien la composition définitive du
régiment. On peut juger de la lourdeur de la tâche, quand on songe aux 35
officiers, 2.215 hommes, 118 chevaux et 29 voitures, qu'il a fallu mettre
sur pied, équiper et encadrer. Il n'y a, d'ailleurs, pas de temps à perdre,
et, le 5 août, le régiment est dirigé sur le camp retranché de Paris, où il
cantonne jusqu'au 25 dans la région de Villepinte.
Premier
contact. Vingt jours d'attente ne se sont pas écoulés en vain.
Il n'en fallait pas plus pour que gradés et hommes, tous membres d'une
famille naissante, apprennent à mieux se connaître. Ainsi est acquise la
confiance réciproque sans laquelle une troupe combattante ne saurait avoir
une valeur bien grande. Le régiment est désormais prêt à subir la première
épreuve. Le 25 août, il est transporté par voie ferrée à Arras qu'il quitte
le lendemain, à l'aube, se dirigeant sur Bapaume. Trois jours après, le 264e
R. I. reçoit le baptême du feu dans le combat de Ginchy-Longueval, au
cours duquel il est soumis à un violent bombardement. Mais la pression
ennemie s'accentue chaque jour davantage. La61e D. I. se trouve dès lors
englobée dans cette vaste et héroïque retraite de Charleroi. Trois jours
durant, la division se replie en combattant dans la direction d'Amiens, où
on l'embarquera, le 31 août, pour être transportée par voie ferrée dans la
direction de Pontoise. Elle y cantonne du 1er au 5 septembre pour être
dirigée ensuite et par étapes au nord-est de Paris.
La Marne.
Une épreuve décisive semble imminente. Le 264e R. I., encadré dans l'armée
de Paris, y prendra une large part. Il se trouve bientôt engagé dans les
sanglants combats de l'Ourcq, au bois de Montrolles, région à l'est de
Nanteuil-le-Haudouin. La ruée allemande se brise bientôt à une résistance
partout opiniâtre. Rien n'a craqué sur l'immense front de bataille et
l'ennemi épuisé, anéanti, se voit contraint à une brusque retraite. C'est
bien la grande victoire, celle qui décida de tout. Dès lors, la poursuite
commence et. le régiment reprend sa marche en avant. Le 13, il traverse
l'Aisne, à Jaulzy, et reprend contact avec l'ennemi sur le plateau de
Moulin-sous-Touvent. Les Allemands font tête et se cramponnent sur la rive
droite de l'Aisne. C'est là que va commencer la guerre de tranchées, après
le furieux retour offensif du 20 septembre où les Allemands essaient en vain
de nous rejeter sur la rive gauche de l'Aisne. Le lieutenant-colonel
GAUDINAU, blessé dans les derniers combats, est provisoirement remplacé par
le commandant VERET, en attendant l'arrivée du lieutenant-colonel LAPARRA.
Première campagne d'hiver. Les durs combats de la
fin de septembre viennent de s'apaiser sans avoir apporté en cet endroit de
grandes modifications dans la ligne de bataille. De part et d'autre, les
troupes semblent figées dans une immobilité absolue. Mais on ne se perd pas
de vue : la surveillance devient partout très étroite et les premières
tranchées se creusent. Le régiment passera ainsi tout l'hiver dans les
tranchées, en alertes continuelles, sous des bombardements incessants. Les
nuits seront employées à l'amélioration des travaux. Les périodes
d'occupation alterneront avec de courts moments de repos que les bataillons
vont passer à Bitry. Engins de tranchées, guerre de mines, tout cela est
également exploité de part et d'autre. Le 11 avril 1915, les Allemands ayant
découvert les travaux préparatoires d'une sape, exécutés sous leurs
tranchées et l'ayant fait sauter par un camouflet, le génie se hâte de
mettre le feu au fourneau de la sape voisine. On simule une attaque pour
donner le change à l'ennemi. L'adjudant BRENDER, de la 20e compagnie, sort
de la tranchée et, durant un quart d'heure, il gesticule en criant pour
attirer l'attention de l'ennemi. La mine éclate en faisant des dégâts
importants. L'adjudant BRENDER se porte alors dans les tranchées ennemies,
d'où il ramène prisonnier un sous-officier allemand. La Médaille militaire
ne tarde pas à venir récompenser cette magnifique et courageuse action
d'éclat. De leur côté, les Allemands deviennent fiévreux et soumettent nos
tranchées de Moulin-sous- Touvent et Quennevières à un violent
bombardement. Cela se passe le 18 avril, journée au cours de laquelle le
régiment est fortement attaqué. L'opération ennemie échoue partout sous nos
feux d'infanterie. A la suite de tout cela, le régiment reçoit les
félicitations du général DUBOIS, commandant la VIe Armée, pour : « sa belle
attitude sous un bombardement des plus violents et pour la belle énergie
avec laquelle il a refoulé l'attaque en infligeant à l'ennemi des pertes
sensibles ». Fin mai, le lieutenant-colonel LAPARRA est tué par un obus au
cours d'une reconnaissance et remplacé par le lieutenant-colonel ROUX.
Quennevières. Le 6 juin, à 10 h.45, après une
violente préparation d'artillerie de six heures, le 6e bataillon, en deux
vagues soutenues par le 5e bataillon, se porte à l'attaque de la position
ennemie. Il franchit les premières et deuxièmes lignes allemandes,
s'accroche à ces dernières qu'il réussit à conserver malgré de lourdes et
violentes contre-attaques ennemies. Au cours de cette opération, les troupes
d'attaque, aussi bien que celles de soutien, ont fait preuve d'un entrain et
d'une ardeur admirables. L'ennemi, quelque peu surpris, éprouve une
grande inquiétude qui se répercute à l'arrière jusqu'à Noyon et La Fère. Ce
brillant fait d'armes vaut au 6e bataillon et à la 17e compagnie du 5e
bataillon les citations suivantes à l'Ordre de la VIe Armée : « N° 159,
du 8 juin 1915. — Citation à l'Ordre de la VIe Armée : 6e bataillon du
264e R. I., sous les ordres du chef de bataillon MOULIN, pour l'élan
magnifique qu'il a montré dans l'attaque du 6 juin et pour avoir enlevé deux
lignes de tranchées ». « N° 166, du 8 juin 1915 : La 17e compagnie du
264e R. I., commandée par le sous-lieutenant ARNOULT, engagée depuis le
début de l'action à côté d'un bataillon du 4e zouaves, sous la direction
énergique de ses officiers, a fait preuve d'une vaillance, d'un courage et
d'une ténacité remarquables, en se maintenant sur la position conquise,
malgré de nombreuses contre-attaques de l'ennemi. Les quatre officiers de la
compagnie ont été blessés, dont deux mortellement, un troisième ayant perdu
la vue ». Les 14, 15 et 16 juin, plusieurs attaques allemandes, précédées
de bombardements, n'aboutissent qu'à de sanglants échecs. L'ennemi y subit
des pertes extrêmement élevées. Dans l'affaire du 14 juin, comme dans
celle du 6, le 264e R. I. n'a mérité que des éloges. Sous les bombardements
violents de l'ennemi, tous, gradés et soldats, ont montré une bravoure et un
sangfroid remarquables.
Tracy-le-Mont, Tracy-le-Val.
Mais le régiment vient de s'imposer de lourds sacrifices et ses pertes sont
sévères. Plus de 300 braves ont payé de leur vie l'issue glorieuse de ces
deux rudes journées. Ses unités ont besoin d'être reconstituées, aussi ne
passe-t-il pas bien longtemps dans le secteur de Tracy-le-Val, dont il fait
l'occupation depuis le 19 juin. Quelques jours de repos à Chelles (sud de
l'Aisne) et nous le retrouvons, le 21 juillet, prêt à reprendre son service
dans les tranchées. Le régiment occupe le secteur conquis de Quennevières
jusqu'au 25 octobre 1915. Occupation très meurtrière. Il ne s'est pas reposé
du 21 juillet au 25 octobre 1915. Il passe le deuxième hiver dans les
tranchées des secteurs de Tracy-le-Mont, Tracy-le-Val, toujours soumis à de
durs bombardements.
Période de mouvement. Les
premiers jours de 1916 sont pour le régiment une période de mouvement. On
lui fait exécuter de grands déplacements ; toujours à pied, il traverse les
riches contrées de l'Oise ou du Santerre. Il débute d'abord par une période
de manoeuvres, aux environs du camp de Crévecoeur, où la 61e D. I. est toute
entière rassemblée. C'est ensuite une nouvelle période d'occupation dans le
secteur de Bailly-Saint-Léger, au nord de la forêt de Laigle. Le régiment y
séjourne du 1er mars au 27 avril, date à laquelle il est relevé pour être
ramené par étapes, au repos, dans la région d'Estrées-Sain-Denis. Encore un
déplacement par étapes et nous le retrouvons, le 10 mai, dans la Somme, où
il cantonne dans la région de Grivesnes. Le 29 de ce même mois, la 61e D. I.
est appelée à relever la 3e D. I. C. sur le front compris entre la route de
Fontaine-les-Cappy, Fay et la route de Vermandovillers. Le 30 mai, le
264e R. I. quitte ses cantonnements, cantonne à Harbonnières le 1er juin et
relève le 2, au soir, le 21e colonial dans le secteur de Foucaucourt. Il
occupe ce secteur jusqu'au 19 juin. Le 15, le régiment est formé à trois
bataillons, par l'adjonction d'un bataillon du 316e R. I., commandé par le
chef de bataillon VANNIER. Il prend le n° 4 du régiment. Dix nouveaux jours
à l'arrière et nous trouvons le 3e bataillon dans les tranchées en face de
Fay. Le reste du régiment cantonne à Rainecourt et Harbonnières.
Bataille de la Somme. Le régiment se trouve ainsi tout
placé pour prendre part à la grande offensive de la Somme. L'attaque du
front ennemi est précédée d'une violente préparation d'artillerie qui dure
du 25 au 30 juin. Nos avions, dans la matinée du 1er juillet, détruisent la
plus grande partie des drachens ennemis, nous assurant ainsi la suprématie
dans le domaine des airs. La grande attaque générale alliée a lieu ce même
jour. A 9 h.30, le 4e bataillon du 264e R. I., partant de la parallèle
d'assaut, enlève brillamment le bois, la ferme et le cimetière de Fay, sur
un terrain bouleversé par les obus, l'organise sous un feu violent
d'artillerie et y reste pendant les journées des 2 et 3 juillet. Il est
alors relevé par le 6e bataillon qui reçoit la mission d'enlever le
quatrième objectif du régiment constitué par la tranchée de Lutzen. La
veille, le 5e bataillon avait donné l'assaut au centre de résistance du bois
Foster et chassé les défenseurs à la baïonnette. Partout, dans ces premiers
jours d'attaque, le terrain est vivement organisé et conservé, malgré de
violents feux d'artillerie. Les trois bataillons ont donc une part égale
dans le succès de ces premières journées d'offensive. Au moment de sa
relève (nuit du 3 au 4 juillet), le régiment inscrit à son actif de
magnifiques résultats : avance de 2 kil. 500 dans les lignes ennemies,
capture de 300 prisonniers et d'une douzaine de canons. Durant ces trois
journées de combat, les unités du régiment, à tous les échelons de la
hiérarchie, ont fait preuve d'un dévouement absolu associé à un profond
sentiment du devoir. Après un bref séjour à Harbonnières et dans le ravin
des Baraquettes, le régiment remonte en ligne dans le secteur d'Estrées. Il
y occupe le village, sauf un îlot de maisons non encore enlevé à l'ennemi.
Du 15 au 21 juillet, plusieurs assauts sont tentés en vain contre ce nid
puissamment organisé. Enfin, le 23, après une violente préparation
d'artillerie, le bataillon VANNIER s'empare de l'îlot, fait prisonniers
les survivants d'un bataillon ennemi qui le défendait et capture une
batterie. A la suite de ces affaires, le commandant VANNIER reçoit la
rosette, les capitaines HOCQ et PIRON faits chevaliers de la Légion
d'honneur, ainsi que les sous-lieutenants CHILHAUDDUMAINE et WOERTZ,
grièvement blessés. De nombreuses citations à l'Armée viennent récompenser
les exploits d'autres braves, parmi lesquels nous mentionnerons : le
lieutenant-colonel ROUX, les capitaines MACQUART, BRETINEAU, BOCKLER,
AVENARD ; les lieutenants ou sous-lieutenants CHAPELLE, DAUVÉ, THIBOUT,
DÉSANDRÉ, FLOCH, LARROUY, CRÉTIN, POIGNANT, BATAILLE, ROBIN, COLLOMB, RYSTO,
CHANCEREL ; l'adjudant LEMÉE ; sergent BACHELIER ; caporaux LE MÉE, JOUBE ;
soldats HOREL, VINCENT, etc., etc. Le régiment fait ensuite deux séjours
au repos où il réorganise ses unités, entrecoupés par une période
d'occupation dans le secteur d'Estrées. Il y fait de nombreux travaux sous
un incessant et violent bombardement ennemi de tous calibres. Il remonte de
nouveau en ligne pour attaquer dans la nuit du 26 au 27 août. Enfin, du 4 au
8 septembre, il attaque sans répit, refoulant l'ennemi depuis Estrées
jusqu'à Berny-en-Santerre. Dans toutes ces attaques, d'un acharnement inouï,
tous, officiers, sous-officiers et soldats, rivalisèrent de vaillance. Le
régiment a subi de lourdes pertes, dont près de 500 hommes tués. Tout cela
suffirait à décrire l'ardeur de la lutte et témoigner de la brillante
conduite du régiment. Une citation à l'Ordre du Corps d'Armée lui est
d'ailleurs conférée dans les termes suivants : « Le 264e R. I., sous les
ordres du lieutenant-colonel ROUX, après s'être brillamment comporté dans
les combats des premiers jours de juillet, a enlevé, dans un brillant
assaut, un îlot de maisons et s'y est maintenu malgré un bombardement
violent et continu. Dans les journées des 4, 5 et 6 septembre, animé par
l'exemple personnel de son chef, a enlevé toute une ligne de résistance
principale ennemie puissamment organisée et est parvenu à occuper un ouvrage
important ». Il n'a pas été oublié non plus dans la magnifique citation à
l'Ordre de la VIe Armée, n° 585, du 27/8/16, obtenue par la 61e D. I. : « La
61e D. I., comprenant le 264e R. I., lieutenant-colonel ROUX, entrée dans
son secteur d'attaque le 4 juin 1916, sous le commandement de son chef, le
général VANDENBERG, la 61e D. I. a remarquablement organisé les travaux
d'approche. Placée au pivot et à la droite, elle a enlevé le 1er juillet
1916, d'un admirable élan, malgré le feu violent de l'ennemi, les objectifs
qui lui étaient assignés, faisant plus de mille prisonniers, capturant de
nombreux canons et des mitrailleuses. Rentrées dans le secteur, après
quelques jours de repos, les troupes de cette belle division ont réalisé,
dans des conditions très difficiles, des gains importants, en une série
d'opérations bien conduites ».
Voir suite sur :
http://tableaudhonneur.free.fr/264eRI.pdf
Voir détail des
opérations sur le Front d’Estrées en Août 1916 sur :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/jmo/img-viewer/26_N_732_002/viewer.html
Voir détail des victimes sur le Front d’Estrées en Août 1916 sur :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/jmo/img-viewer/26_N_732_002/viewer.html
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