Les Communards internés à l'Ile d'Yeu et à Noirmoutier entre 1871 et 1872

Le 18 mars 1871, le peuple de Paris refuse la saisie des canons de Montmartre, pour défendre la République proclamée le 4 septembre 1870, après l’épreuve du siège de la capitale par l’armée prussienne et les décisions hostiles du gouvernement à Versailles.
C’est le début d’une insurrection appelée « la Commune de Paris ». Durant 72 jours, son Conseil élu met en œuvre des mesures d’émancipation dont l’instruction primaire gratuite, la séparation de l’ Église et de l’État, la révocabilité des élus, l’organisation du travail et la protection sociale.
Le gouvernement Thiers lance la répression fin mai 1871. La Commune est vaincue, 30 000 Communards fusillés sur place, 37 000 arrêtés, 4500 déportés vers les bagnes. On estime à 900 le nombre d’internés au fort de l’Île d’Yeu et au château de Noirmoutier, entre septembre 1871 et février 1872, dont la moitié bénéficia d’un non lieu.

... 92 membres élus le 26 mars constituent ce « gouvernement » communal. 25 sont des ouvriers, 34 sont membres de l’Association Internationale des Travailleurs comme Eugène Varlin, ouvrier relieur. Certains sont connus comme Henri Rochefort, Charles Delescluze et Jules Vallès, journalistes, Gustave Courbet, artiste peintre, Jean-Baptiste Clément, chansonnier…
D’autres sont totalement inconnus. C’est le cas de Jules Allix. Né à Fontenay-le-Comte le 9 septembre 1818 d’un père marchand quincailler, licencié en droit et professeur, il a pourtant un passé de « militant ». Il s’était présenté à l’Assemblée constituante en 1848 comme « communiste ». Banni en 1853, il côtoie Victor Hugo proscrit à Jersey. De retour en France, il passe pour un illuminé, inventeur plus ou moins fantasque mais également auteur de vrais projets pédagogiques et sociaux. Actif à Belleville en 1869 dans un Comité démocratique-socialiste, on le retrouve aussi durant le siège de Paris ; il organise des réunions de femmes où l’on rencontre quelques unes des futures Communardes comme André Léo (Léodile Béra) et Elisabeth Dmitriev. Il est élu membre du Conseil de la Commune, chef de la VIIIème légion et maire du VIIème arrondissement. (…)

Voici quelques exemples de Communards d’origine vendéenne qui ont fréquenté ces lieux d’internement. Comme il s’agit de rendre hommage à ces obscurs que l’histoire a oubliés, on citera tous les renseignements que l’on a pu glaner sur eux et sur leur sort.
(…) Jean Bardet, né le 13 février 1819 à Luçon, sellier-bourrelier, célibataire, engagé au 90 ème bataillon de la Garde nationale est arrêté le 28 mai. Il est incarcéré le 3 juin au fort Boyard, transféré le 19 septembre au fort des Saumonards et dirigé sur Versailles fin janvier 1872. Condamné à la déportation simple, il travailla comme bourrelier à la presqu’île Ducos en Nouvelle-Calédonie où il mourut le 18 août 1872.

(…) Pierre Budaille, né le 18 janvier 1836 à Saint-Nicolas de Brem, instituteur, veuf et père d’un enfant, était connu des milieux d’opposition à l’Empire puisqu’il était qualifié de « communiste » pour des propos tenus dans les clubs de Belleville en 1869. Il fut même condamné pour « complot contre la sûreté de l’Etat ». Contraint à s’exiler, il revint en décembre 1870, s’engagea dans les mobiles de la Vendée pour la campagne de la Loire. Malgré des positions confuses durant la Commune, il fut arrêté en juin et condamné un an plus tard à la déportation dans une enceinte fortifiée à la presqu’île Ducos.

(…) Dans l’arrondissement maritime de Cherbourg, ce sont encore 5 500 prévenus qui sont « accueillis »,
13 000 à Brest et plus de 4000 dans l’arrondissement de Lorient dont dépendent le fort de Pierre Levée à l’île d’Yeu et le château de Noirmoutier.

Bien que les registres d’écrou aient été perdus car les archives de l’arrondissement maritime de Lorient ont brûlé, on estime à près de 900 communards le nombre de détenus politiques- ils sont enregistrés sous cette dénomination- qui sont passés entre 1871 et 1872 dans ces deux derniers lieux de détention vendéens.

(…) La citadelle de l’île d’Yeu venait d’être construite sous le second Empire et c’est à partir de 1871 que le fort sert de caserne et de prison d’Etat. Le château médiéval de Noirmoutier dominé par son donjon de 20 mètres, avait déjà servi de prison durant la Révolution, il reçoit des Communards à partir de mai-juin 1871.

 >>> voir : http://federations.fnlp.fr/spip.php?article756



Cour  intérieure du Fort de Pierre Levée
Ile d'yeu

Cour intérieure du château
Noirmoutier
Photo JLB - 04/2009

La fédération départementale de la Libre pensée organise, ce samedi, un rassemblement à Noirmoutier. Elle réclame un lieu à la mémoire des Communards internés dans les geôles de l'île et d'Yeu.

Le fait peut paraître étonnant, mais des Vendéens furent des Communards au printemps 1871. Et de nombreux Communards (au moins 900) furent internés dans les geôles de Noirmoutier et L'île-d'Yeu (ainsi qu'à Oléron) après l'écrasement de cette insurrection populaire, du 21 au 28 mai 1871, la « Semaine sanglante ».

Aussi, ce samedi 17 mai, à 11 h, la Fédération départementale de la Libre pensée appelle à un rassemblement devant l'entrée du château de Noirmoutier-en-l'Île (qui servit de prison). Dans un communiqué, la Libre pensée veut poursuivre sa demande d'un lieu de mémoire dédié à ces sacrifiés de la répression du gouvernement Thiers (30 000 fusillés, 60 000 déportés et internés) : « Cette demande a été formulée auprès du maire de Noirmoutier-en-l'Île. En décembre 2013, nous avons eu une entrevue. Un accord de principe a été donné, mais nous attendons confirmation... »

La Fédération vendéenne s'inscrit dans une démarche commune avec le mouvement de la Paix Vendée, les Amis de la Commune de Paris, la section Noirmoutier Nord-Ouest vendéen de la Ligue des droits de l'Homme, diverses organisations se réclamant de la Commune de Paris...

Allix, le Fontenaisien, maire du VIIe arrondissement

On trouve donc trace de Vendéens dans cette insurrection du printemps 1871, qui puisait sa source dans un élan républicain, se référant à la Ie République, ainsi qu'à l'insurrection populaire de 1848.

Le Fontenaisien Jules Allix, 53 ans en 1871, est le plus connu des Communards vendéens. Allix était un militant communiste de longue date. Impliqué dans plusieurs complots, il est condamné par le régime impérial de Napoléon III à huit ans d'emprisonnement. Il s'enfuira à Jersey, rejoindre son frère Émile, le médecin de Victor Hugo, le poète exilé. Jules côtoie le poète, mais est pris de folie durant une séance de tables tournantes.

Il rentre alors à Paris à la suite d'une amnistie et est interné à l'asile de Charenton en 1866. Son frère le sortira un an plus tard. Après la défaite de Napoléon III, il devient maire du VIIe arrondissent durant le siège de Paris. Et il fera partie du « gouvernement communal ». Il sera amnistié en 1876, mourra à Paris en 1897. (Lire sur Jules Allix le Dictionnaire des célébrités vendéennes, d'Alain Perrocheau, Geste Éditions).

Ces Vendéens qui agitèrent le drapeau rouge

Parmi tous ces Vendéens qui agitèrent le drapeau rouge, il faut également citer le Luçonnais Jules Cardin, 60 ans en 1871, ouvrier-relieur, qui sera interné au Château-d'Oléron, condamné à trois ans de prison et dix ans de privation de ses droits civiques. Autre Luçonnais, le sellier-bourrelier Jean Bardet sera incarcéré au Fort-Boyard puis déporté en Nouvelle-Calédonie, où il mourra l'année suivante, en 1872.

Il y en a d'autres qui seront internés dans les forts ou les pontons de l'Ouest de la France : le saltimbanque Auguste Bigot, né à Beaurepaire ; l'instituteur Pierre Budaille, né à Saint-Nicolas-de-Brem ; le boulanger François Brousseau, né à Saint-Mars-la-Réorthe ; le marchand de vin Pierre Ancelin, né à Vouillé-les-Marais ; le chemisier Gustave Ham, né à Palluau...

On y trouve aussi un Noirmoutrin : le cordonnier Joseph Citeau, franc-maçon, né dans le chef-lieu de l'île le 30 mai 1824. Autant de Vendéens à laquelle la Libre pensée veut un hommage plus appuyé, car ces Vendéens font aussi partie de « la mémoire des vaincus » pour reprendre l'expression chère à Michel Ragon.

La mémoire de ceux qui agitèrent le fameux drapeau rouge, symbole du sang ouvrier face au drapeau tricolore devenu synonyme de répression bourgeoise.