La sauvage et enchanteresse Ile d'Yeu,en 1935,par Jean Nesmy




Henri Surchamp
alias Jean Nesmy
(1876-1959)






Henri Surchamp
alias Jean Nesmy
(1876-1959)

Henri Surchamp, Jean Nesmy de son nom d'écrivain, était  fils de Joseph Surchamp (1855-1923), instituteur à Sainte Féréole, et de Françoise Lacour, son épouse. Il est né le 11/07/1876 à Marc-La-Tour en Corrèze au sud de Tulle.

Ayant fait sa première scolarité au Collège de Brive et au Lycée de Moulins, il poursuit ses études pour être ingénieur agronome, et entre en 1897 au sein de la  73ème promotion de l'Ecole Nationale des Eaux et Forêts à Nancy avant que d'être nommé Garde Général à Guéret dans la Creuse.
En 1903, il est nommé à Troyes comme Inspecteur adjoint. C'est là qu'il rencontre Lucie de La Boullaye, pianiste et mélomane, qu'il épouse le 22/09/1902, elle-même issue d'une famille troyenne de forestiers.

Il devient ensuite Inspecteur à Bar-sur-Aube en 1918 avant sa promotion à un poste de Conservateur des Eaux et Forêts à Bar-le-Duc en 1929.
Revenu à Troyes en 1931, il doit repartir à Bar-le-Duc en 1934 dans le cadre d'une réorganisation de divers services administratifs, pour y demeurer jusqu'en 1936, année où il prend sa retraite.
Il est fait alors Chevalier de la Légion d'Honneur et Officier du Mérite Agricole.



De ses six enfants, Colette, la seule fille , née en 1917, était la quatrième enfant. Elle avait épousé un avocat toulousain du nom de Paul Duguet (1915-1972) et avait eu quatre enfants : José devenu avocat également, Jean-Loup , François et Marion.
René (1904-1979) était l'aîné , puis Jean (1906-1983) était devenu lui aussi Conservateur des Eaux et Forêts, son second fils s'était installé lui, à Casablanca au Maroc, pour devenir Directeur d'une banque. Le troisième enfant était Noël (1908-1967) et les deux derniers garçons, Claude né en 1920 et José né en 1924 étaient entrés dans les Ordres à l'Abbaye Bénédictine Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire à St Léger-Vauban dans l'Yonne.

A côté de cette activité principale comme Administrateur des Eaux et des Forêts, Henri Surchamp avait une autre passion, celle de l'écriture.
Ayant lié amitié avec l'écrivain traditionnaliste et catholique René Bazin (1853-1932), c'est sous le nom de plume de Jean Nesmy, nom d'un personnage de son roman " La Terre qui meurt ", qu'Henri Surchamp avait décidé d'écrire ses nombreux livres consacrés à la forêt.
Il était resté également très lié avec l'écrivain Hervé Bazin (1911-1996), l'auteur de " Vipère au poing", le  petit-neveu du précédent.

Ses principaux livres avaient été:
"Jean le Loup" en 1914, "L'Ame de la Victoire" en 1918, "Pour Marier Colette" en 1919, "L'Arc en ciel", puis "Le Roman de la Forêt" en 1920, "Les quatre saisons de la Forêt" en 1922, "La Féérie des bois" en 1927, "L'arbre et la Forêt" en 1930, puis "L'Alphabet de la Forêt" et "Au coeur secret des bois" en 1951, autant d'ouvrages qui traduisaient sa volonté de faire connaître l'importance de la nature, et la nécessité de la protéger pour préserver l'avenir de l'homme, considérant que c'est par la connaissance, la formation et l'éducation des enfants qu'il fallait oeuvrer pour les initier au respect de la diversité des espèces végétales et animales, contre un progrès à ses yeux trop dévastateur.

En parallèle, il avait écrit des romans plus psychologiques, comme :"L'amour dans le brouillard" en 1923 , "Un coeur en tutelle" en 1925,  "Le miroir en éclats" en 1929, "Les Egarés", oeuvre majeure portant sur l'éducation de la jeunesse, et l'éveil de sa conscience pour le respect essentiel de la nature face aux promesses trompeuses du modernisme. Il avait aussi écrit des contes : les "Contes limousins" en 1925 et " A l'ombre des châtaigniers" en 1930.

Dans un autre titre, comme le "Roman de la forêt", il décrivait la beauté de la Forêt d'Othe, si chère à sa Champagne d'adoption, et rappelait que la forêt est la mère nourricière de l'homme depuis ses origines, qu'il y avait nécessité de la protéger dans ses moindres éléments, depuis les plus minuscules insectes jusqu'aux hêtres géants et chênes centenaires face aux dévastations de la déforestation qu'il voyait se développer. En hommage à son inlassable travail, son nom avait été donné au plus vieux chêne de la forêt de Ligny en Barrois dans la Meuse, malheureusement abattu par une tempête en 1999.
Dans "La lumière de la maison", c'est la vie urbaine qu'il décrivait avec les vieux quartiers d'une ville qui était devenue la sienne, Troyes, et les vestiges de son histoire, qu'il voyait disparaître au fil des années au profit d'une urbanisation rompant aux exigences du progrès.

Sous ce nom de plume, il avait publié, au cours d'une quarantaine d'années, de nombreuses nouvelles et des romans qui avaient été consacrés par divers prix littéraires décernés par l'Académie Française , mais aussi par l'Académie des Sciences Morales et Politiques.

C'est essentiellement les profondes forêts feuillues primaires de l'Est et de Champagne qui avaient été la source de son inspiration par les descriptions méticuleuses, des essences, des plantes sauvages, des insectes et des animaux qui l'habitent, et l'activité des hommes qui en utilisent le bois, dans toute la diversité de ses utilisations. Il décrit le temps où les bûcherons et les charbonniers vivaient en famille dans des huttes construites sur les coupes exploitées, où s'élevaient les cris des bouviers autour des attelages tirant les grumes des sous-bois, et les dangereux chargements sur les chariots s'enfonçant dans les chemins de terre.

Assurément, quand on parcourt l'oeuvre de Jean Nesmy écrivait Philippe Guignier "on perçoit combien on est loin des modes littéraires de nos jours. Mais on trouve plaisir à lire ces pages d'un style alerte et imagé où se trouvent combinées les tendances d'un forestier bon observateur et d'un homme de lettres enclin à la philosophie. Henri Surchamp a été un chantre de la forêt et, à certains égards, un historien de cette forêt à une époque maintenant périmée. Son oeuvre perpétue son souvenir".  (Cf. Revue forestière française, 1959 - Numéro 8-9, p. 626 - nécrologie).

Il décèdera le 10/04/1959 à Toulouse dans sa 83ème année et sera inhumé à Troyes non loin de sa maison de la Rue du Cloître Saint Etienne. Ses obsèques auront été célébrées  dans la Cathédrale de Troyes toute proche, en présence d'une nombreuse assistance, tant du monde de l'Administration des Forêts, que de la Société Académique de l'Aube, ou que de la Société des Gens de Lettres, et de nombreuses personnes qui avaient pu le connaitre et apprécier ses qualités intellectuelles, ses connaissances encyclopédiques, sa sympathie, et son attention à toutes les causes des hommes et de la forêt.



Détail d'une correspondance
de Jean Nesmy du 09/12/1923


Détail d'une correspondance
de Jean Nesmy du 21/03/1936

 






 


 






 








 








 





C'est en 1932, que Henri Surchamp et sa famille découvrent  l'Ile d'Yeu à la faveur d'un ami qui y possédait une maison, mais qui ne pouvait y venir pour les vacances cette année là. Cet ami lui laissait sa maison durant l'été, en contrepartie de quoi, il lui confiait en vacances son fils dont l'âge était celui de ses enfants Claude et José Surchamp.
Ebloui par le charme de l'Ile, Henri Surchamp avait décidé d'y acheter une maison de vacances sur le chemin de la Plage de Ker Châlon, appelée "La Fromentière".

Dès lors la Famille Surchamp reviendra chaque année passer ses vacances face à la mer à quelques pas de la Plage de La Tourette, et sur plusieurs générations les enfants et petits enfants y viendront encore jusqu'à ce que "La Fromentière" soit finalement laissée à la vente par les héritiers en 2015.

Cette période des années 1932-1935, avait donné l'occasion à Henri Surchamp d'écrire un article dans le journal l'Illustration du 05/10/1935, intitulé "La sauvage et enchanteresse Ile d'Yeu"  illustré de gouaches et peintures de son ami Henri Callot.
Il y fait les louanges de la beauté de l'île, de son charme, de sa lumière, de ses maisons basses blanchies à la chaux, des activités du port et des pêcheurs, de l'âpreté des côtes rocheuses, de la végétation éparse faite de tamaris, de cupressus et de quelques chênes verts, mais qui peut amener aussi à la mélancolie et à une certaine crainte pour l'avenir. Crainte de voir l'île faillir aux attraits de la modernité, se dépeupler peut-être de ses habitants comme cela l'était de ses vieux arbres, avec en conséquence inverse la crainte de voir également l'île envahie et défigurée progressivement par le tourisme grandissant, au point s'interrogeait-il de devoir taire la beauté de ses paysages  afin qu'ils soient préservés le plus longtemps possible.
(Voir l'article " La Sauvage et enchanteresse Ile d'Yeu ", ci-dessous)

Ce thème était le sujet d'un livre qu'il écrivit semble t'il quelques années plus tard, intitulé
"La Fromentière", alors qu'il  recevait dans cette maison côtière son ami Hervé Bazin. Ce livre, il renonça probablement à le publier, selon le témoignage de Jeannine Léman, ma mère, future épouse de Claude Bretet, qui cet été de 1949, avait accompagné durant les vacances la Famille Surchamp et leurs enfants, pour y assurer les travaux de ménage et de préparation des repas.

 

"La sauvage et enchanteresse Ile d'Yeu" par Jean Nesmy
  dans L'Illustration N° 4831 du 5 Octobre 1935


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La Fromentière




Ile d'Yeu
La Fromentière - été 1949
Photo retrouvée dans les archives familiales
Coll. J-L Bretet


Ile d'Yeu
La Fromentière - été 2007
Photo : Coll.J-L Bretet

Ile d'Yeu
La Fromentière le 23/05/2015
Photo : Coll.J-L Bretet



Jeannine Léman, ma mère, qui venait d'avoir 19 ans, devait ce travail d'été à l'amitié que son grand-père Paul Menneret  avait nouée avec Henri Surchamp, au travers les chasses qui étaient organisées dans les forêts du Pays d'Othe, du coté de Neuville sur Vanne ou de Villemoiron mais aussi autour de Marcilly le Hayer dans l'Aube, dans les Bois de Chavaudon et de St Flavit.
Les chasseurs et les forestiers se rencontraient souvent et se connaissaient bien, mais connaissaient aussi le conservateur des Eaux et Forêts, pour obtenir les autorisations et les locations de bois pour les chasses.
Jeannine Léman, maman donc, travaillait à la Maternité Victor Hugo de Troyes depuis l'anniversaire de ses 18 ans. Elle espérait un jour pouvoir entrer comme infirmière à l'Hôtel Dieu  à Paris, pour s'occuper des enfants malades. 
En ce début d'année 1949, elle avait êté transférée  dans un  service de gérontologie de l'Hôpital Jeanne d'Arc, contre son gré et en avait été très chagrinée. Ce n'était pas ce qu'elle souhaitait car s'occuper des personnes âgées ne lui plaisait pas du tout.

C'est ainsi que confiant ses déboires à son grand-père, celui-ci avait demandé à Henri Surchamp son ami, s'il connaissait quelqu'un dans ce milieu hospitalier qui aiderait sa petite-fille, lors d'une visite à son domicile de la Rue du Cloître St Etienne à Troyes.
La famille Surchamp, elle, cette année-là, recherchait une femme de ménage pour la durée de son séjour d'été à l'Ile d'Yeu. Henri Surchamp avait donc proposé ce travail de cuisine et d'entretien de la maison de vacances, à Paul Menneret, pour maman dans l'attente qu'elle puisse trouver un poste convenant mieux à ses souhaits  .

Maman avait volontiers accepté cette offre de partir en Vendée, disait-elle, elle, qui n'avait jamais quitté ses parents et qui n'avait jamais pris de vacances, ni jamais vu la mer, sachant qu'au retour, elle devrait retrouver un emploi comme aide infirmière à Troyes, avant qu'elle ne puisse aller à Paris.

Au mois de juin 1949, elle avait donc pris la voiture de la Famille Surchamp, avec Henri Surchamp au volant de sa Chenard et Walcker au départ de Troyes, pour se diriger vers la Vendée en traversant la France. Depuis Orléans, elle avait été très heureuse devoir et de longer la Loire, fleuve mythique à ses yeux en souvenir des leçons de géographie passionnantes pour elle de son ancien instituteur Marcel Ory à l'école de Marcilly.

A Fromentine, il avait fallu descendre son bagage pour prendre le bateau pour la première fois, le "vapeur", comme on disait là-bas, sans doute l'"Insula Oya", qui mettrait largement près d'une heure trente pour faire la traversée, avec nécessairement les nausées du mal de mer.

A l'arrivée du bateau, c'est Joseph et Charline Turbé qui étaient là chaque fois pour  accueillir la Famille Surchamp et les aider à porter les valises à pied sur le chemin poussiéreux du bord de la côte jusqu'à " La Fromentière".
Joseph Turbé, ébéniste de son métier et Charline Pruneau-Turbé sa femme, qui travaillait à l'usine Bouvais à l'emboitage de la sardine ou du thon, étaient également les gardiens et les jardiniers de la propriété de la Fromentière durant l'hiver.
Les enfants d'Henri Surchamp et de son épouse Lucie, étaient venus aussi à "La Fromentière" cette année là, prendre quelques jours de vacances et c'est là que maman avait ainsi fait connaissance des enfants : de Colette, et de Jean, mais aussi de Claude et de José Surchamp
qui s'étaient engagé dans les ordres...

  Jean-Loup Bretet  le 12/12/2017


AUTRES DOCUMENTS
Au pays de la chabrette par Jean Nesmy























Au pays de la chabrette
par Jean Nesmy

AUTRES DOCUMENTS
Une chasse  dans les Bois de Chavaudon à l'automne1936




Jour de chasse à Marcilly le Hayer automne 1936
De gauche à droite :Orban, Lucien Aubert, Paul Menneret, Aubeuf, Blanchet, Voizard et Emile Léman.
L'enfant derrière, au centre, est Jeannine Léman
(Photo. Coll. JL.Bretet)



Hutte de bûcherons
dans une forêt d'Ardennes




 
Loge de bûcherons en Forêt d'Othe
à Sormery



Bûcherons au Chemin Noir
du Ballon d'Alsace

AUTRES DOCUMENTS
Claude et José Surchamp, créateurs des Editions Zodiaque en 1951





Claude Surchamp
alias Claude Jean Nesmy
(1920-1994)



Claude Surchamp est né le 13 juin 1920 à Troyes. Décédé le 01/01/1994, il est entré à l'Abbaye Sainte Marie de La Pierre-Qui-Virele 07 septembre 1938 et y est ordonné le 04/03/1944. Il prend le nom de Claude Jean Nesmy, comme auteur de nombreux ouvrages sur la liturgie et la spiritualité. Il est professeur de littérature à l'Ecole Sainte-Marie et participe à la création de la revue "Témoignages"  pour en prendre ensuite la direction de 1954 à 1988. Bénédictin  à l'Abbaye de la Pierre-Qui-Vire, il donne  également de nombreuses conférences en France comme à l'étranger.
A partir de 1958, il prend la direction de la Collection "Points Cardinaux" aux Editions Zodiaque. Il participe en 1983 à l'Association "Na
ïm" , installée à Paris Porte de Clignancourt, pour venir en aide aux personnes sans-logis.





José Surchamp
alias Dom Angelico Surchamp
(1924-2018)



José  Surchamp est né le 23 juin 1924 à Troyes. ordonné prêtre en 1948, il prend le nom de Dom Angelico Surchamp. Bénédictin  à l'Abbaye de la Pierre-Qui-Vire depuis septembre 1942, il se consacre à l'étude de l'art roman et à des recherches esthétiques visant à réconcilier l'Eglise avec l'Art Moderne sous l'influence en particulier de l'oeuvre d'Albert Gleizes.
Il crée en 1951 les Editions Zodiaque qui publieront plus de 200 livres sur l'histoire de l'art.

Il est par ailleurs l'auteur de fresques et de peintures, dont certaines comme la "Tempête Apaisée" sur la vie de Jésus Christ, sont inspirées de ses longues contemplations de la mer devant la côte sauvage ou aux abords du Vieux Château lorsqu'il venait à l'Ile d'Yeu.

Décédé le 01/03/2018 à Avallon (JLB le 3/03/2018
selon information de M. Bruno Thommeray-Dumay).


J-L. Bretet, le 12/12/2017